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25 juillet 2022 1 25 /07 /juillet /2022 00:15

Le 25 juin dernier, nous avons assisté aux Rotondes de Luxembourg à la 6e édition du battle «On S'en Fish». En mode «spectateur». Mais le geste de Yugson, un des jurés, nous a profondément marqués. On vous explique pourquoi.

Au Grand-Duché, le dernier «call out» digne de ce nom remontait à plus de quatre ans. Au 5 mai 2018 précisément. Lors du feu GC Battle, ce dernier avait mis aux prises Funky Belgian'Z et Premier Avertissement. Un souvenir inoubliable, impérissable. D'ailleurs, nous nous en étions fait l'écho dans le journal Le Quotidien mais aussi sur ce blog.

Cette fois, nous avions décidé de venir au battle «On S'en Fish», librement, sans carnet de notes ni stylo. Mais avec un «poto», Julien, le fils du «Zozo», à la veille de ses 35 printemps.

Lors de l'event, après une pause, les speakers Dimey et Nasty nous expliquent qu'un danseur, mécontent de n'avoir pas été retenu lors des présélections hip-hop, a décidé de défier... Yugson. Ou plutôt, devrais-je dire, Hugo Massanglia Lumengo aka Yugson Hawks. Un sacré «blaze» dans le milieu hip-hop, un artiste multidisciplinaire (danseur, chorégraphe, DJ, etc.) membre de Wanted Posse et membre fondateur, en 1993, de Serial Stepperz (Paris).

Honnêtement, on se demande qui est l'impudent qui a pu commettre ce crime de lèse-majesté. Quand on connaît le CV* de «Yugs», sérieux, il faut oser ! Être, au choix, sacrément gonflé ou totalement inconscient ! 

On identifie le jeune loup. Il s'agit d'un jeune métis, avec une épaisse touffe de cheveux et une petite moustache en duvet. Ce dernier se présente sur le floor, donne tout ce qu'il a. Il y a de la rage, il en a gros sur la patate, ça se sent qu'il veut régler ses comptes une bonne fois pour toutes.

Vient le tour de «Yugs». On pense qu'il va le «massacrer», autrement dit dans le jargon hip-hop le «fumer», lui mettre la misère, le «buter». Eh bien, figurez-vous qu'on se trompe complet. Son adversaire est loin de l'intimider, mais l'atmosphère malsaine qu'il dégage l'inhibe. Pour ainsi dire, ça le bloque. Il met fin précipitamment au call out. «J'peux pas, j'peux pas...», glisse-t-il en s'excusant, désolé par la tournure des évènements.

«Shame on you !»

Dans la salle, le malaise couve. L'incident diplomatique est proche. Natacha, une copine de l'orga (l'ASBL Knowedge), passe devant la scène furax et fusille du regard l'impudent. Et lui lance un tacle (verbal) bien appuyé : «Shame on you !».

Vu qu'on a l'esprit un brin tordu, on ne peut s'empêcher de penser l'espace d'un instant à la chanson d'Ophélie Winter (I'm blamin'you, I'm blaming'ou, han han...).

À ce moment-là, Yugson se rassoit et perso, on se sent mal, on a de la peine pour lui. Pourquoi ne l'a-t-il pas «corrigé» ? Dans les jugements suivants, on le sent comme pensif, ailleurs.

Le battle et ses trois catégories (hip-hop, house, musicalité) se poursuivent malgré cette péripétie. «The show must go on», comme se plaît à répéter Maman.

Avant les finales, place à la démo des juges. Honneur aux dames avec miss Clara Bajado, la Française d'origine philippine installée à Londres depuis 2006. Aux platines, Rémi Yin (ASBL Knowedge), tout sourire, semble aux anges. Il se délecte de ce moment dansé sur sa zik préférée. C'est vrai que la façon qu'elle a de prendre les «accents» a de quoi vous charmer !

Ensuite, Boubou Belbak (31 ans, Les Sancho, Marseille) prend le relais. C'est l'un des danseurs que l'on s'arrache en ce moment... On a récemment vu le Nîmois dans les clips de Black M (Outfit), Clara Luciani (Le Reste) ou Kungs (Never Going Home), sans oublier de mentionner la participation remarquée de son crew à Britains'Got Talent.

Boubou, déchaîné, retourne littéralement la Grande Salle des Rotondes avec son waacking. Sa danse de bras très explosive et solaire a conquis tout le monde. Et sa personnalité joviale et accessible également. Preuve que les kilos en trop ne sont pas un frein au style... Ne change rien, Mathieu !   

Dans le public, à notre gauche, on croise alors le regard de Daniel Hatchi aka Daneshiro (O'Trip House), l'un des pionniers de la house dance en France. Le «bon courage !» à l'adresse de «Yugs» nous vient au même moment sur nos lèvres. On en rigole. Car, la vérité, c'est qu'il faut être diablement costaud pour passer après une telle presta. Mais avec son background, son vécu, son immense expérience, Yugson, n'est pas du tout impressionné.

Sa démo, mêlant hip-hop et house, est un pur régal. Un moment Nutella, comme on dit. Tel un professeur virtuose, il enseigne, explique des choses avec la musique. Sur la manière de l'écouter et surtout celle de la ressentir et de la retranscrire ensuite avec son corps. Il s'évertue à montrer un éventail le plus large des différentes façons dont on peut «prendre» un son. En clair, prouver qu'il n'y a pas qu'une seule clé, possibilité, mais bien un arc-en-ciel de directions... C'est beau, c'est fluide, c'est énergique, sans oublier incroyablement subtil ! Y faut vraiment checker son groove, son flow, sa musicalité... palala, v'là les détails ! 

Le vibrant hommage à «Baba» !

À la fin de sa démonstration sur un remix de Get On Up de James Brown, Yugson invite le fameux jeune en question à le rejoindre sur le floor. Tonton «Yugs» n'avait donc pas oublié l'incident, mais tel un vieux sage, cherchait la meilleure réponse à apporter, une fois que la tension était retombée. Et elle est venue de la danse... La danse comme lieu d'échange, comme trait d'union entre les gens, et ce jour-là il fait même office d'espace de réconciliation. Quelle belle leçon !   

Avant, pour Yugson, de glisser quelques mots pleins de bon sens au micro : «La culture (hip-hop) est beaucoup plus importante que nous. Les egos, les trucs comme ça, on met ça de côté. Si je danse, c'est pour mes ancêtres, ceux qui ont disparu ‑ Rest in peace Babson, mon bro (il pointe son index vers le ciel, puis frappe son poing sur le sol). Donc les guerres, les trucs comme ça, ça ne sert à rien en fait, c'est inutile. Si tu n'es pas pris dans un battle, c'est l'ego, reviens plus fort ! Il est fort, il reviendra plus fort, c'est comme ça ! Voilà, c'est tout, merci !» 

Ou comment faire passer un message «en mettant les points sur les i, les barres sur les t et la sauce sur le riz !» De quoi laisser clairement... baba !  

Ismaël Bouchafra-Hennequin

* Natif de Belgique et originaire du Congo-Kinshasa, Yugson est vainqueur du Battle of the Year en 2001 (Allemagne), gagnant du Juste Debout (catégorie house en 2003, 2004, 2006 et 2010, mais aussi en catégorie hip-hop en 2003), du House Dance Forever en 2010 et 2012, ou encore de Be-House en 2012.

«Va, vis et deviens, mais n'oublie jamais d'où tu viens ni ceux qui étaient là quand tu n'étais rien.»

(Ousmane Sy aka Babson, Baba ou Justice, figure majeure de la danse hip-hop, 1975-2020)

Notre battle coup de cœur de cette 6e édition du battle «On S'en Fish» : la finale house entre Daneshiro (O'Trip House, Paris, France) et Kenshu (Novel Nextus / LunaticK, Japon/Allemagne)

Pour en savoir plus :

- Les vainqueurs de cette 6e édition : house (Daneshiro, Paris), hip-hop (Instinct, ex-So Flacka, Luxembourg), «musicolofish» (The Pat, Allemagne)

- Pour voir ou revoir toutes les vidéos de la 6e édition du battle «On S'en Fish», ça se passe par ici !

- Allez, cadeau, trois petits sons souvenirs du battle, un premier qui sent bon le Brésil et les vacances, un second rempli de vibes (dédicace à Jul, Laeticia Cusset et Daneshiro) et un troisième de fin de soirée qui constitue la signature de DJ Rémi 

- [Hip-hop] «Championfish» aux Rotondes de Luxembourg : plutôt mignon ce battle «local» (article)

- Le compte rendu de la 5e édition du battle «On S'en Fish» (article)

- «Mindless» : un souvenir lumineux (article)

- Gros big up, pour finir, à Marc Folschette et ses élèves (Art in Motion)

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31 mai 2022 2 31 /05 /mai /2022 14:54
«On a été pour ainsi dire punis pendant deux ans... Avec le Covid, il y a eu très peu ou même pas d'évènements hip-hop. Ce battle de Talange était important. On s'est retrouvés et ça permet aussi clairement de nous relancer», explique Sadat Sekkoum.

«On a été pour ainsi dire punis pendant deux ans... Avec le Covid, il y a eu très peu ou même pas d'évènements hip-hop. Ce battle de Talange était important. On s'est retrouvés et ça permet aussi clairement de nous relancer», explique Sadat Sekkoum.

Samedi soir, c'était la finale de la Ligue des champions Liverpool-Real... Mais finalement l'appel de la danse a été le plus fort ! Nous nous sommes donc rendus à la 1re édition du Talange Hip-Hop Contest. On rembobine le film de cette belle soirée.

Talange, 19h30, gymnase Maurice-Baquet. La fête foraine a pris ses quartiers juste à côté. Après avoir patienté dans l'entrée (et avoir vu la caisse pleine de pièces se renverser...), on accède, muni de notre bracelet rouge au poignet (et être passé devant la sécurité souriante de Saïd Semrouni, le pote de Soprano), à la salle.

Les qualifs en 2 vs 2 break confirmé se terminent avec un Armageddon (NDLR : battle à 3) où on reconnaît 3 b-boys bien connus de la Grande Région : Ismaël Taggae et Baghdad (Footzbeul/Studio 511, Reims) ainsi que Thug (Toxic Crew, Mulhouse). Ça promet !

20h22, Sadat Sekkoum, le speaker, tente de chauffer la salle avant le début de la phase finale (un top 8 sélectionné dans les 3 catégories : 1 vs 1 allstyle, 2 vs 2 break confirmé et 1 vs 1 break -16 ans). Mais face au peu de succès rencontré en retour, il décide de... faire un snap. Magie de l'instant, ça se réveille bruyamment ! 

Passés les remerciements (à l'association Mixité, à la mairie de Talange, au CLTEP de Johan Monteiro (Equality) et de sa directrice «Fanfan» (Françoise Vacchiano), au Département – représenté par Rachel Cridel Zirovnik –...), trois gosses «crapuleux» procèdent avec leur main innocente au tirage au sort des battles. Même si le hasard se montre parfois cruel... Mais bon, comme le père de l'un d'entre eux (Ilyès, de Boulange) est un champion de boxe de thaï, il vaut mieux ne pas broncher !

Bientôt une team «kids» Grand Est au BOTY ?

20h50. En 1 vs 1, les «kids» ont l'honneur d'ouvrir les hostilités. Un passage par danseur, donc on va à l'essentiel. On a été touché par l'image de ce «grand» au bandana noir à la 50 Cent et à la barbe imposante qui briefait son «petit» juste avant l'entrée dans la compète : «calme», «écoute le son» lui dit-il, l'index pointé vers son oreille, au lieu de balancer des mouvements à tout-va. Ou encore par ces indications de tempo dans le feu de l'action d'un autre «formateur» : «5,6,7 !», «tac, tac, tac !». 

Le 3e battle du 1er tour est engagé, hyper serré. Résultat : égalité ! Deux des trois juges s'effacent (Lokos et Marc Folschette). À Hafed (Anonyme crew/Mixité) de trancher. Seul. En son âme et conscience. Au prix d'un beau deuxième passage tout en flow avec ses Asics Gel Quantum 360 jaune fluo, Betamèche (Faccrew 67) passe aux dépens de Mat (Footzbeul). L'évolution du b-boy messin Aniss Bouguelta (15 ans, dont le beau-père n'est autre que Sadat) qui élimina Betamèche en demi-finale, sera aussi à surveiller de près ces prochaines années. Et qui sait, comme l'a suggéré Ismaël, pourquoi pas emmener un jour une équipe «kids» du Grand Est au Battle of the Year (BOTY) ?

DJ Fonkzmaz, de retour aux platines après une petite «pause», se rappelle à notre bon souvenir avec quelques grosses galettes aux registres variés : du rap (What'cha Goin'Do!!!???de Lyrical Landlordz) (Don't Nobody Want None, de Tech N9ne) (Gravel Pit du Wu-Tang Clan), de la house (If Needed (Original Mix) de Hugo LX), du funk (The Groove Machine (Club Mix) de Bohannon... Sans oublier la fameuse Macarena remise au goût du jour par Tyga. Bref, des sons propres à nous faire plonger dans la fièvre endiablée du samedi soir !

Le geste fort des «anciens» de Footzbeul

En 1 vs 1 allstyle, le premier tour est marqué par l'intense affrontement entre Ssimka (Alchimie Connexion, Nancy) et Yes'in (Stand Up Crew, Haguenau). «Une finale avant l'heure», avait prévenu Sadat. Il ne s'était pas trompé... C'était chanmé et Ssimka, muni de son béret façon «Comandante» Guevara sur le crâne, l'a emporté à l'unanimité (3-0) ! 

En 2 vs 2 break (autrement dit le «breaking», dixit Sadat pour se moquer gentiment de la décriée Fédération française de danse qui enverra une équipe tricolore aux JO de Paris 2024), les «anciens» Ismaël et Baghdad (Footzbeul) s'inclinent pour ainsi dire sans combattre. Le tirage au sort a voulu malheureusement qu'ils tombent sur leurs poulains, Lion et Matwo, issu du même crew. Eux, c'est la relève, ils les coachent, ils les couvent, les choient au quotidien. Ainsi, le cœur fait avec les doigts par «Isma» en leur direction était à la fois fort et touchant, beau et symbolique. Comme un passage de témoin pour dire : on vous laisse la place, c'est à vous de jouer, de reprendre le flambeau. Bon, Baghdad, après la sentence, lançait quand même, hilare, dans un clin d'œil, suivi d'un fameux dab : «Bon, les gars, avec le prize money, on fera 50/50 hein ?!» 

On a également aimé lors de ce battle de break l'audace de Thug (auteur d'un power move avec un accessoire, en l'occurrence une bouteille d'eau), le groove et l'énergie de sa jeune partenaire b-girl Zouza (18 ans, la fille de b-boy Lokos et de Nouna, Compagnie Mira, Strasbourg) ou encore apprécié de revoir les frères Winterstein (b-boys Maiky et Kenzo, Joitte crew) à l'œuvre. Ces derniers, aujourd'hui à Avignon, mais Mosellans d'origine ont bien grandi depuis. Et en se délectant de leurs envolées, on n'a pu s'empêcher d'avoir une petite pensée pour Samir Khourta (Arabiq Flavour).

À y regarder de plus près, ce rendez-vous du Talange Hip-Hop Contest était beaucoup plus important qu'il n'y paraissait sur le papier. Entre deux bouchées de gaufre à la Nutella, Marc Folschette (Art in Motion, Luxembourg) nous explique pourquoi : «Avec le Covid, on a été plus ou moins tenu éloigné les uns des autres. Là, ça fait un bien fou de se revoir "en vrai", "physiquement", de pouvoir à nouveau échanger sur notre passion, délirer ensemble. T'imagines, pour certains, ça fait plus de 2 ans et demi je ne les avais pas vus ! Ce sont vraiment de belles retrouvailles. On savoure.»

Trois mois après le début de la guerre en Ukraine et à l'heure où le prix du litre d'essence flambe et a dépassé désormais la barre des 2 euros, les danseurs n'ont pas hésité une seule seconde à faire le déplacement dans le 57. Pas pour le prize money, pas pour un hypothétique défraiement. Mais pour retrouver les copains, créer du lien, passer un bon moment, rigoler, se sentir vivant, et partager cet amour du hip-hop tout simplement. Et si ce n'était pas ça la vraie richesse ?

Ismaël Bouchafra-Hennequin

 

Les vainqueurs de l'édition 2022 du Talange Hip-Hop Contest (THC) - battle international avec des danseurs provenant de France, du Luxembourg, de Belgique et d'Allemagne :

1 vs 1 allstyle : Ssimka (Alchimie Connexion, Nancy) bat Lil Toon (Rataclan, Metz)

1 vs 1 allstyle : Ssimka (Alchimie Connexion, Nancy) bat Lil Toon (Rataclan, Metz)

2 vs 2 break : Zouza et Thug (Compagnie Mira/Toxic Crew, Strasbourg/Mulhouse) battent WBB (Boob et Missa, Troyes)

2 vs 2 break : Zouza et Thug (Compagnie Mira/Toxic Crew, Strasbourg/Mulhouse) battent WBB (Boob et Missa, Troyes)

1 vs 1 break -16 ans : B-boy Lion (Footzbeul, Reims) bat Anis (Mixité, Yutz) 

1 vs 1 break -16 ans : B-boy Lion (Footzbeul, Reims) bat Anis (Mixité, Yutz) 

PS : big up aux autres composantes de la culture hip-hop présentes à Talange : notamment Lora Yeniche (rap) et Scaf (graffiti, avec son festival Long Art Street à Longlaville du 25 juin au 10 juillet 2022). 

Talange Hip-Hop Contest : cœur ❤️ sur vous !
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15 janvier 2022 6 15 /01 /janvier /2022 21:48
Comme l'a écrit la Philharmonie, il s'agissait d'«un combat heureusement à fleurets mouchetés où marteaux et pistons ont rivalisé d’adresse et de virtuosité, pour l’amour de la musique avant tout». (Photo : DR)

Comme l'a écrit la Philharmonie, il s'agissait d'«un combat heureusement à fleurets mouchetés où marteaux et pistons ont rivalisé d’adresse et de virtuosité, pour l’amour de la musique avant tout». (Photo : DR)

Le 9 janvier dernier, nous nous sommes rendus à la Philharmonie de Luxembourg pour assister à la «bataille d'improvisation» ayant opposé Jean-François Zygel à Ibrahim Maalouf. C'était grandiose ! On vous raconte.

Avec ce satané Covid qui nous enquiquine depuis 2 ans l'existence et en pleine vague Omicron, on a longtemps douté de la tenue de l'évènement*. Le 3 janvier, soit à J-6 du show, on se retrouve donc au téléphone avec une hôtesse de la Philharmonie qui d'emblée nous rassure : «Si, si, je peux vous attester que le concert de dimanche aura bien lieu. Seulement, vous allez recevoir de nouveaux billets, car on a dû espacer quelque peu les groupes de personnes pour recevoir l'aval de la direction de la Santé.»

Avant cette «bataille d'improvisation» entre Jean-François Zygel et Ibrahim Maalouf, on était tombé sur une interview bien sympa du premier nommé sur Ôlyrix : «L’improvisation est une composition sans gomme… mais pas toujours sans remords !» Comprendre que celle-ci est sans filet, l'artiste se doit donc d'être brillant, inspiré. 

Puis d'ajouter : «Je suis libre au moment d’improviser parce que j’ai beaucoup travaillé auparavant, les années qui précèdent et même toute ma vie, non pas un texte comme le font les interprètes, mais une capacité, un langage

Dimanche 8 janvier 2022, 15h15, Philharmonie de Luxembourg. Jean-François Zygel et Ibrahim Maalouf entrent sur la majestueuse scène du Grand Auditorium. Les pleurs d'un enfant retentissent dans la salle. Éclats de rire général. «Et on n'a même pas commencé..., s'amuse Ibrahim Maalouf. C'est normal, la trompette, ça leur fait peur !»

«On est là pour improviser, reprend posément au micro Jean-François Zygel, lunettes vissées sur le nez. On a absolument rien préparé. L'idée, c'est qu'on partage un moment de création en direct qui mêle plaisir et passion. Et le but de cette performance, c'est de raconter une histoire qui nous ressemble avec plein d'idées, de vous faire vivre une aventure. Je ne connais ni la destination, ni le chemin, seulement les moyens de transport.»

Quels sont-ils ? En ce frisquet après-midi de janvier, à la Philharmonie, le saxo et le piano sont à l'honneur. Ou plutôt les pianos («Des Steinway, c'est toujours ceux-là, ça doit être des bons, sûrement les meilleurs au monde», me glissera d'un ton assuré maman). Sans oublier le berimbau et ses baguettes traditionnelles.

«Bon voyage !», s'exclame avant de lancer le show Ibrahim Maalouf, vêtu d'un costume élégant au-dessus de ses Stan Smith bien blanches.

C'est parti pour 90 minutes de plaisir auditif intense, sans entracte ! À la fois un duel et un duo entre les deux musiciens virtuoses (complices/adversaires) qui entament un dialogue, un échange, où l'écoute joue un rôle prépondérant afin qu'ils soient en mesure de créer sur l'instant. Avec, évidemment, l'autre, l'alter ego, en toile de fond.

Au fil des minutes qui s'égrènent, on le constate : la notion de jeu, d'amusement est omniprésente. Assis le plus souvent devant l'un des pianos, Jean-François Zygel se montre le plus expressif : il bouge le haut du corps, fait des grands gestes avec ses bras, ses doigts, quand Ibrahim Maalouf, lui, se balade tranquillement sur la scène, sourit ou hausse parfois les sourcils. Mais ne comptez pas pour autant sur ce dernier, trompettiste franco-libanais, pour se montrer docile. Chacun défend pour ainsi dire «son bout de gras» dans cette joute, cette confrontation, ce combat, et c'est même ça qui rend la chose intéressante.

En outre, on ne savait pas, par exemple, qu'Ibrahim Maalouf était un aussi bon pianiste... même si comme le beau-père l'a fait remarquer lors du débrief effectué juste à la sortie de la Philharmonie, on le préfère à la trompette. Le piano, on est d'avis qu'il en a abusé par moments, que ça a parfois traîné en longueur, qu'une certaine monotonie s'installait...

Mais bon, franchement, on ne va pas faire la fine bouche et bouder notre plaisir... L'improvisation est un exercice périlleux et honnêtement, on en a eu pour notre argent. Car, durant une heure et demie, on sera résolument passé par toute une palette d'émotions au gré des mélodies, harmonies et rythmes qui se sont succédé : de la rapidité à la lenteur, de la joie à la tristesse, de la force à la finesse, de la fureur à la modération.

Bref, un moment de grâce, suspendu dans le temps, de bonheur non dissimulé... Une plongée dans des univers artistiques foisonnants où l'amour de la musique et des délicieuses notes aura transpiré avec un grand A.

Ou même la «chorale du Grand-Duché» dixit Jean-François Zygel, présente dans la salle mais masquée pour les raisons que l'on sait, aura participé à la fête. Rien que d'y repenser, on se revoit en train de susurrer les «M-m-m-m» en se regardant droit dans les yeux avec maman !

C'est ça la magie d'un concert, non ? Du talent, beaucoup de talent même, du kif, du partage dans un lieu où il se crée quelque chose sur l'instant. Assurément, on s'en souviendra longtemps... Comme les cris jubilatoires de cet enfant qui sont venus ponctuer leur prestation... majuscule. Eh ouais, il semblerait en effet que les comptines de notre enfance (Une souris verte, À la claire fontaine...), à petites doses, ça ait du bon !

Ismaël Bouchafra-Hennequin    

* Initialement, le concert devait avoir lieu le 30 janvier 2022, mais il a été finalement avancé.

Jean François Zygel et Ibrahim Maalouf en mode «Street Fighter». «Hadôken !» (Montage : Guy Martin)

Jean François Zygel et Ibrahim Maalouf en mode «Street Fighter». «Hadôken !» (Montage : Guy Martin)

Pour en savoir plus :

Présentation de l'évènement par la Philharmonie de Luxembourg (article)

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24 mai 2021 1 24 /05 /mai /2021 08:27
Le vainqueur du «Championfish», Alfa, posant aux côtés d'Alicia (finaliste), des juges et de DJ Zeny. (Photo : Black Magic Tea)

Le vainqueur du «Championfish», Alfa, posant aux côtés d'Alicia (finaliste), des juges et de DJ Zeny. (Photo : Black Magic Tea)

Samedi, aux Rotondes de Luxembourg, l’ASBL Knowedge a organisé son battle de danse hip-hop («The Championfish»). Une édition particulière, 100 % local, à cause de ce maudit Covid-19... mais après un an d'arrêt, il était temps de redémarrer la machine !

«Organiser un battle avec des danseurs français, belges ou allemands et avec des présélections, c’était trop compliqué à mettre en place à cause des restrictions sanitaires. Du coup, cette fois-ci, on a décidé de travailler sur du produit halal… euh local !», se marre Rémi Yin, membre du conseil d’administration de l’ASBL Knowedge, assoce créée en 2019 en charge de promouvoir la culture urbaine au Luxembourg.

Ce samedi, à la suite d'un accident survenu à hauteur de la frontière entre la Moselle et le Luxembourg, on arrive à la bourre (15h45) devant la grande salle des Rotondes. À l'entrée, on échange 2-3 mots avec b-boy Nouré (Fatal Fury) puis on checke l'ami Franklin aka «The Wolf», qui tient à nous rassurer d'emblée : «T'inquiète pas Isma, t'es dans les temps, on va commencer...» Ouf, par chance, on a rien loupé ! On file donc s'installer masqué à notre place réservée que nous indique gentiment l'hôtesse.

«Allôôô !!! Est-ce que ça vaaa ? Si oui, dites saluuut !!! Beng, beng, beng... C'est pas tout, mais j'attends mes soldats !» Yanick, le speaker de l'évènement, présente tour à tour au micro les 16 danseurs «locaux» qui ont été retenus pour participer à ce battle spécial rebaptisé pour l'occasion «The Championfish» (NDLR : en lieu et place du «On S'en Fish», compétition internationale de danse complètement «barrée», qui reviendra dès l'année prochaine).

Aux platines avec DJ Zeny, Rémi le «ninja-magicien» s'est défoncé graphiquement pour proposer des 1 vs 1 à l'écran façon Street Fighter. «Hadouken

15h54, plus de temps à perdre, le 1er battle commence. Le gagnant continue l'aventure, le perdant lui est éliminé de la compète. Les deux premiers danseurs opposés (Nordine et Manu) ont chacun un passage de 1 minute pour convaincre. Libres à eux de breaker, de faire du new style, du pop, du lock, du waack, de la house... Et le premier son (We Out Here de Villain Park) donne direct le ton. Il y a là des danseurs bien connus, old school, comme par exemple Nina, et des danseurs en herbe qu'on prend ici plaisir à découvrir.

Lors de ce 1er tour, une danseuse, inconnue de nos radars, au sourire ravageur, attire ainsi notre attention : grande, longiligne, les cheveux longs, avec un t-shirt noir et blanc. Elle s'appelle Alicia Cano Smit, est espagnole, vit avec son copain au Grand-Duché depuis maintenant 5 ans et travaille dans le secteur de la finance. Sur le dancefloor, son flow est vraiment intéressant, et sur une reprise de son (sur Fizzo Got Flow de B2K), elle fait littéralement chavirer de joie le public. Voilààà, c'est pour ça qu'on est là, vibrer, crier, sauter, ressentir de bonnes vibes !

16h25, on enchaîne avec le 2e tour – on passe à 2 passages chacun désormais – et notamment un battle saupoudré de dancehall (sur Ghetto Red Hot de Super Cat) entre Pokemon et Alfa. C'est là qu'on se dit qu'il faudra compter sur ce dernier, un Cap-Verdien des Blackpows (Anderson)... À suivre !

Alors qu'on a été privé de sons hip-hop qui tabassent depuis 1 an, on en profite pour réhabituer nos oreilles aux galettes musicales : 650 CC d'Ivy Lab, Insomniac Dreaming d'A.Dd+, X raisons du Saïan Supa Crew, Hip Hop Hooray de Naughty by Nature... DJ Zeny, lui, comme possédé, ne peut s'empêcher de pousser par moments ses petits cris chelous ou de balancer son désormais célèbre «Ah ouaiiis !!!».

17h30, avant que le battle reprenne, on assiste au show plutôt sympa des danseuses (bon, O. K., il y avait aussi un garçon !) de Marc Folschette, qui a créé son école de danse au Luxembourg (Art in Motion). On reconnaît sa patte avec des chorés toujours léchées et toujours une petite touche «so sweet» (Damage d'H.E.R). Invité un peu plus tard sur scène, il ne voudra prendre la parole. Pas le genre de la maison, de vouloir se mettre en avant. Mais Marc est un mec de l'ombre, discret, passionné, un formateur connu et reconnu au Grand-Duché qui pas plus tard que mercredi et jeudi avait encore participé à la dixième édition du «Hip Hop Marathon» aux Rotondes.

Reprenons le fil. En demi-finale, le «battle énervé» entre Nordine et Alfa, qui était également une vraie opposition de styles, entre un b-boy et un danseur debout, était plaisant à voir et tourne à l'avantage du second.

[Hip-hop] «Championfish» aux Rotondes de Luxembourg : plutôt mignon ce battle «local» !

La prestation des juges largement validée !

Mais bon, qu'on ne s'y trompe pas : pour nous, le grand moment de danse de ce «Championfish» fut à n'en pas douter la démo des juges. Le Français du 91 Spider (Legion X), l'Allemand d'Essen B Smart et le house danceur luxembourgeois Franklin aka «The Wolf» ont régalé l'assistance. D'abord, en solo. Ensuite, ensemble, en impro. Chacun dans leur style bien sûr, mais toujours en mêlant avec brio technique et fluidité, aisance et subtilité... C'était vraiment bon, ça, sexy chocolat... on valide fort ! Sevré d'events depuis 1 an, Franklin, qui évoluait à domicile et qui faisait au départ mine d'être rouillé, n'a finalement pas boudé son plaisir et ne voulait limite plus quitter la piste... Normal, en même temps, pour ce clubbeur-kiffeur aux pas chaloupés qui espère bien pouvoir participer de nouveau cette année au prestigieux House Dance Forever à Amsterdam !

Compliqué comme dirait Dadju de passer après ce trio, tant le niveau était chaud... 18h12, la finale oppose deux danseurs debout, Alfa et Alicia. Ils ont 3 passages de 1 minute chacun pour s'expliquer, «se buter», autrement dit faire pencher la balance de leur côté. À l'issue des délibérations, Alfa sera désigné vainqueur du «Championfish», mais c'était, de l'aveu des juges, très serré. La décision se serait jouée dans un mouchoir de poche.

Mais comme l'a rappelé justement Franklin au micro, l'important aujourd'hui était ailleurs : «Malgré l'incertitude qui pesait sur sa tenue, le but était de maintenir coûte que coûte un petit quelque chose, un évènement de danse, malgré le Covid, malgré le prudent déconfinement au Luxembourg. Qu'on ait le plaisir de se retrouver, de partager un moment, des émotions, car c'est ce qui fait le sel de la vie. Montrer aussi que la culture hip-hop existe toujours, est plus que jamais vivante au Grand-Duché. J'espère que ça vous a plu (NDLR : l'event a affiché complet avec 100 spectateurs présents) et restez connectés, parlez-en autour de vous, suivez l'actu de l'ASBL Knowedge sur les réseaux (Facebook, Instagram), car il y a des choses sympas qui arrivent !» Notamment le projet de création mettant à l'honneur la street dance pour Esch 2022, capitale européenne de la culture... On en salive d'avance !

Ismaël Bouchafra-Hennequin

Alfa immortalisant sa précieuse victoire avec ses gars. (Photo : Natacha Nunes)

«The Championfish», aux Rotondes de Luxembourg, le 22 mai 2021.

- Finale (prize money pour le vainqueur : 150 euros + un bon d'achat de 100 euros au Rebounce Shop)
Alfa bat Alicia

- Demi-finales
Alfa bat Nordine
Alicia bat Ghost

- 2e tour
Nordine bat Nina
Alfa bat  Pokemon
Alicia bat Gio
Ghost bat Roanito

- 1er tour
Nordine bat Manu
Nina bat Alyssa
Alfa bat Nebur
Pokemon bat Nebur
Alicia bat Gao
Gio bat Rony
Ghost bat Oussy
Roanito bat Natacha

[Hip-hop] «Championfish» aux Rotondes de Luxembourg : plutôt mignon ce battle «local» !
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6 avril 2021 2 06 /04 /avril /2021 08:02
Wanders a déjà «liévré» Kipchoge. Il rêve désormais de marcher dans ses pas sur marathon. (Photo : Ineos 1:59 Challenge)

Wanders a déjà «liévré» Kipchoge. Il rêve désormais de marcher dans ses pas sur marathon. (Photo : Ineos 1:59 Challenge)

Lundi, lors d'un live Instagram avec Run'IX, le coureur suisse (25 ans), recordman d’Europe du 10 km (27’13″) et du semi-marathon (59’13″), a confié qu'il effectuerait probablement son baptême du feu sur la distance reine (42,195 km) à la fin de l'année 2021.

La question des débuts de Julien Wanders sur marathon revenait régulièrement dans les discussions. Alimentait les fantasmes, les spéculations. Jusqu'ici, le «Kényan blanc» bottait en touche avec le sourire et réclamait un peu de patience.

Alors qu'il a quitté Nike (son équipementier depuis 2015 – et par conséquent, la fameuse NN Running Team) et que son arrivée chez la marque nippone Asics a été officialisée mercredi, le Suisse a ainsi participé en ce lundi de Pâques à un live Instagram avec Run'IX à l'occasion de la sortie de la MetaSpeed Sky. Et Romain, un fan, n'a pas manqué de poser la fameuse question. Eh bien, il faut croire que c'était le bon moment.

«Je pense que je peux enfin vous répondre que j'aimerais débuter sur marathon en fin d'année, a lâché Julien Wanders. Si tout va bien, vous me verrez sur un marathon en novembre ou décembre, donc après les JO.» Tout de suite, le réputé marathon de Valence (Espagne), prévu le 5 décembre 2021, nous vient à l'esprit. Son partenaire d'entraînement Lawrence Cherono y avait terminé 2e l'an passé (en 2 h 03’04’’). Et lors des séances, il revenait souvent à nos oreilles qu'il mettait des «boîtes» à son ami Amanal Petros (PB en 2 h 07'18")...

Pour autant, peut-on envisager qu'il batte le record d'Europe de la spécialité (2 h 04' 16") dès sa première sortie ? «Pour commencer, ça serait beau !, sourit Julien Wanders. Après, il ne faut pas trop parler. Moi, je n'ai jamais fait de marathon. J'ai beau être très bon sur 10 kil et semi, tout le monde me dit que le marathon, c'est une autre distance. Donc même si je me sens très bien sur les longues distances à l'entraînement, je ne peux rien affirmer maintenant. Évidemment que j'ai pour but de devenir l'un des meilleurs marathoniens au monde. Et on verra ça après mon 1er marathon...»

Pour le moment, le Suisse a le regard tourné vers les JO de Tokyo et le 10 000 m. Voire peut-être aussi le 5 000 m, s'il choisit de doubler...

Ismaël Bouchafra-Hennequin

 

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3 décembre 2020 4 03 /12 /décembre /2020 15:41
Julien Wanders, peaufinant son échauffement juste avant la course, devant Marco Jäger, son coach de l'époque. Prochaine édition de la Course de l'Escalade, la 43e du nom, les 4 et 5 décembre 2021 ! (Photo : © Winforce)

Julien Wanders, peaufinant son échauffement juste avant la course, devant Marco Jäger, son coach de l'époque. Prochaine édition de la Course de l'Escalade, la 43e du nom, les 4 et 5 décembre 2021 ! (Photo : © Winforce)

Il y a un an, le 1er décembre 2019, une semaine avant de participer à l'Euro de cross à Lisbonne, le coureur suisse, recordman d’Europe du 10 km (27’13″) et du semi-marathon (59’13″), s'était imposé avec autorité à domicile, remportant pour la 3e année consécutive sa course fétiche. Flash-back.

«La tactique, dimanche ? Ben, c'est simple... C'est de mettre une bonne grosse mine !!!», nous avait confié en amont Julien Wanders, en se marrant. Coup de bluff, info ou intox ? Allait-il réellement mettre sa menace à exécution ? On allait rapidement être fixé.

Dimanche, 15h14, temps pluvieux dans la Cité de Calvin. À une minute du départ, on sent l'excitation et la nervosité gagner les principaux concurrents de l'élite. Ça frotte, ça se bouscule, ça se chamaille pour occuper les positions préférentielles. Au centre, sur la première ligne, Julien Wanders, bonnet sur le crâne, manchons ocre et blanc aux bras, est hyper-concentré. On le voit à ses yeux rivés sur le starter. Mais aussi à cette attitude légèrement penchée en avant, les jambes fléchies, prêt à jaillir dès le coup de canon.

Pour ne pas se faire surprendre – et donc éviter toute chute malencontreuse – il a pris ses aises, autrement dit sorti les épaules et les coudes, histoire de repousser ses adversaires directs (Yoann Kowal à sa gauche, Bernard De Matheka à sa droite) lors des premières foulées.

Conformément à ce qu'il nous avait dit, le «Kényan blanc» part à bloc. Il dynamite la course d'entrée de jeu. Une de ses marques de fabrique. Derrière ça grimace sec, le peloton explose, vole pour ainsi dire en éclats.

«Mister T.», un grand nom de la piste à son tableau de chasse

Au bout de 3 minutes de course, ils ne sont déjà plus que 2 à pouvoir le suivre : l'un des membres de sa Team (Boniface Kibiwott) – choisi par Wanders après qu’il ait gagné un test sur 10 km à Iten (2 400 m d’altitude) en 28’49''– et l'invité de dernière minute, l'Éthiopien barbu Telahun Bekele (meilleur performeur mondial 2019 sur 5 000 m, 12'52'', aka «Mister T.» ou Clubber Lang dans cet épisode), qui s'entraîne excusez du peu avec ses cadors de compatriotes Muktar Edris et Selemon Barega, à Sendafa, une ville située à 40 km d'Addis-Abeba.

Toujours est-il qu'aujourd'hui les jambes du Suisse tournent comme une hélice... Julien Wanders semble dans un grand jour, déchaîné, métamorphosé. Et ça fait clairement plaisir à voir, alors qu'il avait traversé il y a quelques semaines les Mondiaux sur piste à Doha comme une âme en peine.

«Le chouchou du Stade Genève» se retourne à plusieurs reprises, mais personne ne relaie. Sur la place du Bourg-du-Four, il entend les premières clameurs du public. L'instant choisi par Telahun Bekele, le seul à encore se trouver dans sa foulée, sur ses talons, pour passer pour la première fois devant et montrer qu'il ne compte pas se laisser faire. La guerre physique, psychologique entre les deux hommes peut commencer.

À l'issue du premier tour, au bout de la ligne droite du parc des Bastions, Julien Wanders jette délicatement son bonnet au sol. Sans doute porté par la foule, il repasse devant et en remet une couche, durcit le train. Le chrono s'affole : 6'42''9, soit cinq secondes plus vite que l'année dernière (6'47''6), là où il avait établi le record de l'épreuve (20'46''00). Le bougre relance à l'endroit qu'il affectionne : la rue Saint-Léger, puis la longue montée sur la rue Étienne-Dumont.

Peu avant la mi-course, «Rocky» Wanders crée une petite différence sur «Mister T.». On sent alors que, moralement, «Jul», ça le booste grave. Il relance comme un malade à chaque virage, en haut de chaque côte. En descente, sur la place du Bourg-du-Four, en plein effort, on le voit tirer succinctement la langue, relâcher l'espace d'un court instant ses bras. En effet, on a beau s'emballer, il ne compte que 7 secondes d'avance (13'49'' contre 13'56'') sur Telahun Bekele après le deuxième tour.

Julien Wanders : «Je me suis arraché la gueule !»

Même si l'Éthiopien, 4e des derniers Mondiaux sur 5 000 m, semble le moral dans les chaussettes, surpris par la tournure des évènements et jette régulièrement un coup d’œil à sa montre, le Suisse ne doit pas relâcher son étreinte. Telahun Bekele l'a en point de mire. Wanders doit garder le rythme, continuer à faire la course seul en tête sur ce parcours varié – qui alterne entre montées, plats et descentes – et qui fait 3 tours. On le voit à son rictus, c'est dur, ça fait mal, l'effort est d'une violence inouïe. «Je suis parti très vite. Au bout du 1er tour, j'étais un peu cuit, mais je me suis arraché la gueule !», avouera après coup Julien Wanders, au micro d'ATHLE.ch.

Quand on le voit une énième fois relancer, incroyablement fluide et placé dans le tape-cul de la rue de la Pélisserie, on se dit que plus rien aujourd'hui ne peut lui arriver. Il peut s'envoler vers la victoire et franchir la ligne, dans le parc des Bastions, en vainqueur, avec un nouveau record à la clé (20'39"4, soit 2’47"/km de moyenne). À l'arrivée, le peuple genevois et en premier lieu sa famille – notamment sa copine, Kolly, et sa sœur Cécile, tout sourire – peuvent exulter.

Car Julien, à l'attaque dès les premiers hectomètres, a pris, comme souvent, son destin en main. L'a emporté pour la 3e fois d'affilée à l'Escalade de Genève, et ce avec autorité, devant «un cador de la piste». Et n'a pas manqué ensuite de faire «une petite dédicace» à l'Ougandais Joshua Cheptegei, qui le matin même, venait de réaliser à Valence (Espagne) le record du monde du 10 km (26'38''*). Terriblement inspirant... et sûrement de quoi lui donner des idées pour la suite ! L'Euro de cross, dans les labours portugais, se profile dès dimanche à l'horizon...

Ismaël Bouchafra-Hennequin

* Le 12 janvier 2020, à Valence, alors que Julien Wanders améliorait son record d'Europe du 10 km (27'13''), le Kényan Rhonex Kipruto établissait un nouveau record du monde du 10 km (26'24''). 

Pour en savoir plus :
- Le classement complet de la 42e édition de l'Escalade de Genève (2019) (ici)
- Revoir la Course de l'Escalade :  (2017 : course hommes, résumé hommes), (2018 : course hommes, course femmes), 2019 : course hommes : lien 1 ou 2, course femmes : lien 1 ou 2).
- Le site de la Course de l'Escalade (ici)

- Le week-end des 19 et 20 décembre 2020, participez au #Corona10K, une course virtuelle organisée par RUN'IX. Inscription (5 euros) sur www.run-ix.com/course-connectee/. 100 % des bénéfices reversés à Simba for Kids ! De nombreux lots sont à gagner !

🚨 OFFICIEL ! RUN’IX lance le #Corona10K : un 10 kilomètres connectés solidaire au profit de l’association Simba for...

Publiée par RUN'IX sur Dimanche 29 novembre 2020

Le témoignage très touchant de son ami Julien Lyon (Simba for Kids), dont Julien Wanders est le parrain de l'association :

Et perso, on se réjouit également d'avance d'assister à ce duel Wanders-Gressier et à ce 10 km de dingue (qui accueillera 10 000 coureurs dès sa première édition) le 3 octobre 2021 à Genève ! (© The Giants Geneva)

Et perso, on se réjouit également d'avance d'assister à ce duel Wanders-Gressier et à ce 10 km de dingue (qui accueillera 10 000 coureurs dès sa première édition) le 3 octobre 2021 à Genève ! (© The Giants Geneva)

Plus d'infos :

- Page Facebook The Giants Geneva
- Site web The Giants Geneva

 

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22 mai 2020 5 22 /05 /mai /2020 18:59

Ce vendredi, ING Luxembourg et l’organisateur Step by Step ont «annoncé le renouvellement du contrat pour les cinq prochaines années», soit jusqu’en 2025.

« Le contrat actuel avec l’organisateur partenaire Step by Step touchant à sa fin, ING est fière d’annoncer la reconduction du projet avec ce dernier pour cinq années supplémentaires », indique la banque néerlandaise dans un communiqué.

Avant d’ajouter : «ING a cru au marathon dès le début (NDLR : 2006) et est heureuse de continuer cette belle aventure avec ses partenaires de longue date, Step By Step et la Ville de Luxembourg, ainsi que tous les autres sponsors.»

À l’image de l’historique Schueberfouer, le marathon est devenu un vrai rendez-vous annuel, incontournable, profondément ancré dans la vie locale du Grand-Duché. Il n’y qu’à voir l’ambiance festive dans les rues de la capitale ce jour-là pour s’en convaincre.

Alors qu’elle devait se tenir ce samedi 23 mai, la 15e édition de l’ING Night Marathon a été annulée le 23 mars dernier (pile 2 mois avant l’évènement) en raison de la crise sanitaire liée à la pandémie de coronavirus.

Pour l’heure, consolons-nous comme on peut. La date de l’ING Night Marathon,  l’année prochaine, a déjà été dévoilée par les organisateurs : ce sera le 15 mai 2021 ! Et on a déjà hâte d’y être… à l’ING !

Et si ce diable de John Komen (42 ans), triple vainqueur de l’épreuve (2015, 2016, 2019), pointait à nouveau le bout de son nez au Grand-Duché ?

Le bougre est chaud bouillant, il a encore remporté l’exigeant marathon d’Athènes en novembre dernier en 2h16’34.

I. B.-H.

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4 janvier 2020 6 04 /01 /janvier /2020 10:04
Considéré comme un grand frère, Bob Tahri était très apprécié du vestiaire monégasque. Il avait fortement contribué à vider l'infirmerie. Le Messin avait même assuré l'intérim lors de l'entraînement du 29 décembre dernier.

Considéré comme un grand frère, Bob Tahri était très apprécié du vestiaire monégasque. Il avait fortement contribué à vider l'infirmerie. Le Messin avait même assuré l'intérim lors de l'entraînement du 29 décembre dernier.

Avec le limogeage à Monaco de Leonardo Jardim et de ses adjoints (Nelson Caldeira, Antonio Vieira et José Barros), le futur de Bob Tahri s’annonçait «  très incertain », dixit l'AFP. Pour L'Équipe du 31 décembre, il est désormais « voué à partir ».

L'arrivée du technicien espagnol Robert Moreno sur le Rocher, choix fort du vice-président de l'AS Monaco Oleg Petrov, avec son staff (5 Ibériques) – notamment le préparateur physique Juanjo del Ojo – pousse Bob Tahri vers la sortie. Comme du reste l'entraîneur des gardiens André Amitrano (62 ans) qui se dirige, lui, vers une retraite anticipée de 6 mois.

« Le staff dont dispose Robert a les ressources nécessaires dans le domaine où évoluait Bob, donc on s'attend à ce qu'il quitte le club », a expliqué lundi Oleg Petrov en conférence de presse.

Bouabdellah Tahri (41 ans), ancien recordman d'Europe du 3 000 m steeple, médaillé de bronze des Mondiaux de Berlin en 2009 et consultant de la chaîne L'Équipe, avait intégré l'AS Monaco le 13 décembre 2018 en tant que « chargé de la performance, réathlétisation et préparation mentale de l'équipe professionnelle » et avait « pris une grande importance dans la préparation physique depuis cet été », selon le quotidien sportif français.

Alors que le mercato hivernal a ouvert ses portes le 1er janvier, l'opération dégraissage à l'AS Monaco – qui comptait encore il y a peu 73 contrats pros (!!!), en incluant les prêts – ne fait apparemment que commencer...

Selon Nabil Djellit et Johan Tabau de France Football, Bob avait eu, au mercato estival, « des sollicitations venant du... PSG, Tottenham, de l'Eintracht Francfort et aussi de Thierry Henry (NDLR : aujourd'hui coach de l'Impact de Montréal) ».

Souhaitons au « Kényan blanc », originaire de Metz, de rapidement retrouver un point de chute !

* Ce samedi (15 h), Robert Moreno effectuera sa première sur le banc de l'AS Monaco face à Reims à l'occasion des 32es de finale de la Coupe de France.

 

Pour en savoir plus :

- Iten, je m'appelle Iten, je suis une ville pas comme les autres (article)

- Bob runner, sur la piste rouge (Reportage d'Intérieur Sport, Canal+, 2009) (vidéo)

- Extrait de Bob Tahri. Sans limite ni frontière (2010, Intérieur Sport, Canal+) (vidéo).

- Running, les secrets de l'entraînement kényan (avec Jérôme Sordello, aux éditions Amphora) (achat du livre : Amazon, Amphora, etc.)

- Bob Tahri qui se balade dans la langue de Goethe... Cadeau ! (vidéo)

 

Pour partir en stage de course à pied à Iten, au Kenya, dans le centre de Bob, ça se passe par ici : https://tahriathleticcenter.fr/

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30 octobre 2019 3 30 /10 /octobre /2019 20:55
L'intimidation, gourdin en main, n'a pas marché... Le chevalier « Ben Choco » nous a gentiment balancé de vieux dossiers !

L'intimidation, gourdin en main, n'a pas marché... Le chevalier « Ben Choco » nous a gentiment balancé de vieux dossiers !

Un mercredi aprem, après la sieste, entre un footing progressif de 1h40 et une sortie vélo récup « tranquille », on a finalement réussi à l’avoir au bout du fil… Champion du monde et d’Europe de duathlon (épreuve qui combine course à pied et cyclisme) en 2019, le Nancéien Benjamin Choquert (33 ans) a accepté de nous parler de son pote, l’humoriste messin Josselin Dailly, qu’il a côtoyé en jeunes sur les piste d’athlé. Et qu’il a retrouvé quelques années plus tard… au théâtre !

« C’était un suceur de roue »

« C’est vrai que ça remonte à loin cette histoire, c’est vieux, ça a 20 ans… Avec Josselin, on est de la même année (1986). On a beaucoup couru ensemble en minimes (NDLR : à l’âge de 13-14 ans). On a toujours été un peu en concurrence. Lui il était licencié à l’époque à l’ASPTT Neuves-Maisons, moi j’étais à l’OFP (Omnisports Frouard-Pompey). Du coup, on s’affrontait pas mal sur le 1 000 m et les cross. Souvent, sur la piste, Josselin suçait la roue pendant toute la course et au finish, tel un vieux renard, il passait dans les 50 derniers mètres (il rit). Il me semble qu’il avait gagné le 1 000 m en ouverture du meeting Stan à Nancy en 2’41’’, moi j’avais fait 2’42’’ juste derrière lui (NDLR : en 2001). Je crois qu’il y a qu’une seule fois où j’ai pris ma revanche, où j’ai pu entre guillemets lui rendre la pareille sur cette distance. Ce jour-là, j’ai réussi à le passer à 10 mètres de la ligne. Jouissif ! C’est vrai que Josselin était rapide, mais après sur le long, honnêtement, il n'y avait pas photo... (il sourit) Ensuite, dès cadets, moi, je suis monté sur le 3 000 m notamment. Lui est resté sur le 800, son épreuve de prédilection. De mon côté, j’étais toujours le plus petit au milieu des grands, reconnaissable entre mille avec mes cheveux longs. Ça change de maintenant. Tatouages, boucles d'oreille, piercing… C’est rigolo en y repensant ! »

Ensemble sur les planches

« Sur les compètes, on s'est côtoyé jusqu'en juniors. Même si par la suite Josselin a arrêté l’athlé, au fil des années, on a réussi à garder le contact via des amis en commun. À l’époque, sur Nancy, Josselin faisait ses études dans le domaine de la scène et montait une compagnie de théâtre (L’Art-Mada). J’avais la vingtaine à peu près, il m’a fait venir, je ne sais pas encore comment j’ai fait pour accepter car ce n’est pas trop mon truc à la base. Je suis resté 2-3 ans dans la troupe, mais après j’ai dû arrêter vu que je n’avais plus le temps. C’était plutôt sympa, on se retrouvait chaque semaine dans un local pour écrire, répéter les pièces (NDLR : notamment Diantre ! Y’a des nains dans l’jardin !). Et on avait toujours tous plein d’idées, en plus on picolait un peu (il se marre), donc ça aidait ! Après, il fallait faire le tri car il y avait forcément dedans tout et n’importe quoi. »

« Un p’tit côté Nicky Larson ! »

« J'ai grandi avec le Club Dorothée et ses dessins animés japonais. Du coup, le Josselin de l’époque, je l’identifierais à un mec un peu dragueur, beau gosse, qui joue avec les filles. Je dirais bien Nicky Larson, mais il est trop classe Nicky Larson (il rigole). Quoique, ça pourrait presque être ça… Allez, disons qu’il a un p’tit côté Nicky Larson ! »

Le rat sauvé… grâce aux restes du McDo

« Jeune, Josselin, il faut le savoir, était un peu bordélique sur les bords. Une fois, à Nancy, il avait déménagé d’appart. Du coup, il avait transporté son rat dans sa voiture. Sauf qu’entretemps, le rat s’était enfui… Josselin pensait qu’il était parti derrière le tableau de bord, qu’il était mort ou je ne sais trop quoi. À cette époque, Josselin mangeait beaucoup McDo, il laissait donc parfois des frites à l’arrache par terre dans sa caisse, un vieux break de son père qui aimait récupérer les anciennes bagnoles. Mais il a vu qu’elles disparaissaient, donc il a continué à le nourrir comme ça. Finalement, je crois que Josselin a réussi à le récupérer au bout d’une voire deux semaines. T’imagines ? Pfff, le rat a survécu après tout ce temps dans la caisse… Putain, cette histoire m’a toujours fait rigoler, sans déconner ! »

« L’humour à la Josselin Dailly ? Tout à fait lui ! »

« La dernière fois que je l’ai vu, c’était il y a 3-4 ans, lorsqu’il a joué son premier spectacle (NDLR : Josselin Dailly explore l’inconscient), ici, à Nancy, à la MJC. Je me souviens, j’avais reconnu la patte Josselin Dailly… Son humour, son style, ben c’est tout à fait lui ! C’est dur à expliquer, il faut l’avoir côtoyé des années pour ça… Pour ma part, le 11 novembre, je vais courir le 10 km de Bordeaux. Et ensuite, le 1er décembre, au marathon de Valence (Espagne), je vais tenter de faire les minima olympiques (NDLR : fixés à 2h11’30’’) pour Tokyo. Mais pour en revenir à Josselin, j’espère avoir bientôt l’occasion de découvrir son nouveau spectacle, Sapiens (r)évolution. J’ai vu récemment sur Facebook qu’il cherchait des salles où se produire à Nancy... »

Recueilli par Ismaël Bouchafra-Hennequin  

« Sapiens (révolution) » est le 2e volet de la trilogie de Josselin Dailly. Le 3e, « Expériences », sortira le 20 mai 2020 au Tram de Maizières-lès-Metz. Pour info, les billets sont déjà en vente !

Sapiens (r)évolution, le nouveau spectacle de Josselin Dailly, le samedi 9 novembre à 20 h à la salle Fortuné-Debon de Neufchef. Tickets en prévente en mairie : 10 euros. Sur place : 13 euros. Infos : 03 82 85 50 15. Venez nombreux !

Pour en savoir plus :

- Extrait du spectacle Sapiens (r)évolution de Josselin Dailly (vidéo)

Pages Facebook de l'event :
https://www.facebook.com/events/355163418772048/
https://www.facebook.com/events/2502323663386718/

www.josselindailly.com

- L'interview que Josselin Dailly nous avait accordée en 2017.

- La fanpage Facebook de Benjamin Choquert

« Ben », relax, décontracté, qui tire la langue à moins de 3' au kil à Pontevedra avant d'être sacré champion du monde de duathlon : « Allez, sans rancune, Josselin ! J'ai juste sorti quelques vieux doss' ! »

* Champion du monde et d’Europe de duathlon en 2019, Benjamin Choquert, licencié au Nancy Athlétisme Métropole et à Metz Triathlon, est un athlète touche-à-tout, imprévisible, aventurier, qui a un palmarès long comme le bras : champion de France de duathlon (2015, 2016, 2018), champion de France de cross court (2015), champion de France du 5 000 m (2015), etc.

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20 août 2019 2 20 /08 /août /2019 14:06
Bob Bertemes (21,55 m) a fini 2e du concours du poids derrière Chukwuebuka Enekwechi (21,80 m). (Photo : © CAS)

Bob Bertemes (21,55 m) a fini 2e du concours du poids derrière Chukwuebuka Enekwechi (21,80 m). (Photo : © CAS)

À vrai dire, on a longuement hésité avant de se pointer ce dimanche à Schifflange. Le temps était grave menaçant et à la télé, il y avait la 11e étape de la Diamond League à Birmingham. Mais bon, la magie du réel l'a emporté. Direction donc le Grand-Duché de Luxembourg et l'évènement du Cercle Athlétique Schifflange (CAS) de Luc Hensgen.

 

En ce dimanche après-midi, on arrive au stade Jean-Jacoby de Schifflange après s'être coltiné la fameuse montée du Cimetière. Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle est raide, vachement raide cette côte. Dans le jargon, on dirait qu'elle pique... Sûr que « Miré » Pjanic, l’illustre enfant de la bourgade, la connaît.

 

15h10, on se cale au niveau de la main courante, au milieu de la tribune, soit à peu près en face du bac à sable dévolu à la longueur et au triple saut. La sono crache le tube Cheerleader d'OMI. On aperçoit un gars de la Team Camille avec un t-shirt hilarant : « Running sucks. Viva Vakanz ». Les odeurs de frites, de saucisses voire de gaufres nous chatouillent dangereusement les narines. Le ciel est gris, sombre, les nuages menaçants. Des averses sont déjà tombées, la piste est détrempée. Pas de bon augure pour les perfs tout ça...

 

15h25, sur le 800 DM/ScM, Glenn Lassine (13 ans, CSL) allonge sa belle foulée dans la dernière ligne droite pour aller chercher Fabrice Reiland (Celtic) et s'offrir une victoire de prestige en 2'20''28. « C'est chouette ! », nous glisse, dans un sourire, la dame qui se trouve à notre droite. Car elle, tout comme moi, on est venus pour ça : vivre et partager des émotions, ressentir le grand frisson.

Glenn Lassine et Fabrice Reiland. (Photo : © CAS)

Glenn Lassine et Fabrice Reiland. (Photo : © CAS)

15h48. Tranquille, t-shirt G Raw sur le dos, Charel Grethen fait son apparition au stade. Convalescent, le recordman du Luxembourg du 1 500 m (3'39''02) est malgré tout venu voir les copains. Il multiplie les checks, les accolades sous la tribune. Quelques minutes plus tard, c'est au tour de Vincent Nothum, ancien coureur de valeur du pays et aujourd'hui conseiller communal LSAP de Schifflange, de pointer le bout de son nez. Les piques sur son crâne sont toujours aussi impeccablement hérissés, et ce en dépit des années qui passent.

 

16h18. À la longueur, Yuliana Angulo, cheveux tressés noirs et violets, prend ses marques. Elle est explosive, a ce qu'on appelle « du jump ». La bombe équatorienne remercie d'un gentil « gracias » un coach allemand qui lui donne son avis sur sa course d'élan. À notre gauche, une petite brune en profite pour enchaîner les roues sur la piste, histoire de passer le temps avant les séries du 100 m. L'Italienne Alessia Trost, quant à elle, s'apprête à débuter son concours à la hauteur (NDLR : qu'elle remportera en effaçant une barre à 1,90 m).

 

16h56. Au lancer du disque masculin, l'Allemand Daniel Jasinki, médaille de bronze olympique à Rio (2016), réalise son meilleur jet de la saison avec 62,89 m. Insuffisant toutefois pour remporter le concours, dominé par le Jamaïcain Chad Wright (65,02 m).

 

17h26, la pluie est de retour. Tous aux abris ou à vos parapluies ! Ça drache sec !

18h02. Un mec déboule à côté de nous, couloir 8, survêt Nike bleu, Vaporfly orange aux pieds, à fond les ballons. Courant d'air assuré. Il s'agit d'une des dernières lignes droites de son warm up avant d'enfiler les pointes et prendre le départ de sa course. On ne l'a clairement pas vu venir. C'est pourtant une des têtes d'affiche du meeting : Taoufik Makhloufi, champion olympique du 1 500 m à Londres et double vice-champion olympique du 800 et du 1 500 m à Rio en 2016. « Il fait partie des 20 meilleurs performeurs de tous les temps sur 800 m (NDLR : précisément 19e, avec un PB en 1'42''61) », indique le speaker.

Pour l'Algérien, qui a été éloigné des pistes depuis près de deux ans pour cause de blessure, ce double tour de piste à Schifflange doit lui servir de mise en jambes avant le 1500 m à Paris prévu dans une semaine. À Charléty, Makhloufi visera les minima pour Doha sur cette distance. Emmené en 50'' aux 400 par le « pacemaker » (Khaled Benmahdi), il fera la course en tête mais coincera un peu sur la fin (1'45''82) et se fera coiffer sur le fil par son compatriote Yassine Hethat (1'45''58) mais devancera tout de même l'Allemand Marc Reuther (9e performance européenne). Espérons que le Fennec retrouve à temps sa « giclette », autrement dit son finish dévastateur d'antan !

 

18h26. « Jaaaaaa !!! », crie le speaker. « Gut Essay vun Bob !!! » L'explosif lanceur de poids du CA Belvaux, qui a pulvérisé le record national à Cessange deux semaines plus tôt (22,22m, 6e meilleure performance mondiale de l’année), semble satisfait de son jet. Il pointe son index droit en l'air... 21,55 m ! Mais dix minutes plus tard, le Nigérian Chukwuebuka Enekwechi (10e performance mondiale), aux avant-bras volumineux, sort un essai dont il a le secret. « Exzellent Essay fir den Nigerian !!! 21,80 m : et ass eng nei PB... an en neien nationale Rekord !!! » Malgré les encouragements, Bob Bertemes ne pourra faire mieux lors de sa dernière tentative (21,55 m à nouveau). Mais aujourd'hui à Schifflange, l'important était ailleurs : il a confirmé à domicile sa bonne forme actuelle et montré qu'il a gagné en régularité dans sa nouvelle technique de lancer (en rotation).

Bob Bertemes. (Photo : © CAS)

Bob Bertemes. (Photo : © CAS)

18h51. L'heure du 200 m de Christophe Lemaitre. Le Français, 3e des derniers JO de Rio sur la distance (derrière Usain Bolt et Andre de Grasse), revenu début juillet à la compétition après une alerte aux ischio-jambiers gauches au printemps, est en quête des minima (en individuel) pour les Mondiaux de Doha (27 septembre-6 octobre). Mais ce soir, les conditions ne sont pas vraiment propices à la performance (20 °C, averses et du vent).


Placé au couloir 5, dans une course à quatre conccurents sans grande densité, l'Aixois s'est bagarré seul... car aucun de ses adversaires n'était en mesure de le « tirer », l'entraîner dans son sillage. On l'a vu grimacer dans la dernière ligne droite, s'arracher. Mais le chrono ne ment pas : 20''66 (+0,6 m/s). À plus de 3 dixièmes des minima fixés par la FFA (20''35)... À l'arrivée, le dos cambré, les mains sur les genoux, Christophe Lemaitre apparaît forcément déçu, mais pas abattu. Dans une semaine, à Paris, avec de l'adversité, de meilleures conditions et un public tout acquis à sa cause, ce sera à coup sûr une autre paire de manches... En attendant, il signe les autographes et se prête de bon cœur au jeu des autographes, photos et selfies.

19h15. On assiste à la finale A du 1 500 m féminin aux côtés de « l'autre » Bob Bertemes (Celtic), le coureur, le p'tit gars de Kapweiler, champion du Luxembourg de la discipline. Déçu par sa course (NDLR: 3'59''04 lors de la finale B du 1 500 m, «J'ai été nul, je manque de vitesse, il va falloir que je travaille ça...), il donne de la voix au bord de la piste pour encourager sa petite-amie Vera Hoffmann (Celtic) mais aussi Lena Kieffer (CSL). « Allez Vera !!! Go, go, go, go, go !!!» Hoffmann finira au pied du podium (4e) en 4'16'31'', les joues rouges comme une tomate.

 

19h36. Avant le bouquet final (le 400 m hommes), le speaker appelle plusieurs fois Carolle Zahi pour le podium du 200 m. Mais la belle, vainqueur la semaine précédente du 100 m des championnats d'Europe par équipes à Bydgoszcz (Pologne) avec l'équipe de France, est visiblement déjà partie... Tant pis ! Pas Taoufik Makhloufi, qui revient dare-dare, téléphone portable à l'oreille et sac sur le dos, récupérer son prix...

 

Ismaël Bouchafra-Hennequin

© Stéphanie Empain

© Stéphanie Empain

Pour en savoir plus :

- Tous les résultats du meeting : ici (Seltec Sports LA-Portal) ou là (PDF)

- Toutes les photos (ici)

- Le site internet du Cercle Athlétique Schifflange (CAS)


À noter, pour finir, que 8 records du meeting ont été améliorés lors de cette 16e édition :

- 100 m hommes : Jeff Demps (USA) en 10"21.
- 200 m hommes : Christophe Lemaitre (FRA) en 20"66.
- 400 m femmes : Medeline Price (CAN) en 52"59.
- 800 m hommes : Yassine Hethat (ALG) en 1'45"58.
- 800 m femmes : Olivia Baker (USA) en 2'02"11.
- 1500 m femmes : Georgia Griffith (AUS) en 4'11"35.
- Poids hommes : Chukwuebuka Enekwechi (NGR), avec 21,80 m (PB).
- Disque femmes : Marike Steinacker (GER), avec 61,98 m.

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