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29 juin 2023 4 29 /06 /juin /2023 18:47
Et dire que Philippe Bonneau n'a commencé la marche qu'à l'âge de 40 ans... (Photo : DR)

Et dire que Philippe Bonneau n'a commencé la marche qu'à l'âge de 40 ans... (Photo : DR)

«Un homme qui ne marche pas ne laisse pas de trace.» Cette citation de Wolinski colle parfaitement à la peau de Philippe Bonneau. À 58 ans, le marcheur athlétique de Semécourt, sept fois champion du monde, a fait le court déplacement à la médiathèque La Pléiade de Rombas pour évoquer son incroyable aventure de 2022 («Traversée de la France à la marche») mais aussi pour affirmer haut et fort que «le sport est un mode de vie».

Fatalement, tout a commencé par... un entraînement sur la piste ocre du Fond-Saint-Martin. Avant d'arriver à la médiathèque La Pléiade, Philippe Bonneau a en effet partagé un footing avec des membres du Rombas Athletic Club (RAC). Le temps pour certains de se rendre compte que le Semécourtois – qui s'est lancé dans la marche athlétique en 2006 (et bâti le palmarès que l'on sait : 7 fois champion du monde master, 7 fois champion d'Europe, 18 fois champion de France, record de France du 20 km route, record de France du 30 000 m piste) après avoir pratiqué le triathlon pendant 20 ans – allait plus vite en marchant... qu'eux en courant ! Toujours assez surprenant !

Après la projection d'un petit film de 16 minutes retraçant sa «Traversée de la France à la marche» (7-18 juin 2022), Philippe Bonneau a pris le micro à la suite d'une courte introduction de Fabrice Schmitt (secrétaire du RAC, à l'initiative de sa venue). Pour reparler de ce projet un peu fou, mais qui avait du sens pour lui. Un peu plus tard, il avouera que c'était même presque devenu une quête personnelle, un voyage initiatique. «À l'époque, mon frère (Martial) était touché par le cancer depuis douze ans (NDLR : un autre de ses frères a lui souffert par un cancer aux poumons), souffle-t-il. J'ai mûri l'idée de relier en marchant les quelque 817 km (NDLR : et pas 837 comme annoncé au départ) qui séparent la ville de Semécourt, où je vis, à Azille, là où il habite, pour apporter ma pierre à l'édifice et lever des fonds en faveur de la Ligue contre le cancer.» Sillonner la France durant 12 jours (Pont-à-Mousson, Langres, Lyon, Montélimar, Montpellier, Béziers...) et s'enquiller 72,5 km quotidiennement n'a pas été une sinécure. On vous épargne ici toutes les péripéties (pas seulement climatiques...) qui ont émaillé son périple. Sachez simplement qu'un jour, sa fille et lui ont frôlé la mort dans l'Hérault à cause d'un fou du volant...

Solidarité familiale

Mais fort heureusement, pour surpasser tous ces évènements, Philippe Bonneau, licencié à l'Antony Athlétisme 92, a pu compter sur une équipe de choc, dévouée littéralement corps et âme, composée de plusieurs membres de sa famille : sa fille Victoria (alias «la majorette»), sa femme Sylvie, son fils Thomas, son coach Jean-Luc Wibratte, sa sœur Fabienne (dédicace à Run in Metz), son beau-frère Didier, sans oublier son neveu Adrien. Ce qui le fera répéter à plusieurs reprises durant la soirée : «Pour faire un champion, il faut une équipe de champions !»

À l'écouter, cette solidarité familiale a été le socle de sa réussite. Il a ensuite accepté de dévoiler les contours de l'organisation de son défi : «Chacun avait un rôle bien défini et savait donc parfaitement ce qu'il avait à faire. Tout était pour ainsi dire réglé comme du papier à musique, il n'y avait pas de place à l'improvisation, je suis quelqu'un d'hyper-exigeant. Je me levais chaque matin à 6 h, je commençais à marcher à 7 h, jusqu'à 21 h ou 22 h (soit 14 ou 15 heures par jour), en m'octroyant une heure de pause à midi. Pour mener à bien mon défi, j'ai dû abandonner mes compétitions (nationales, internationales) et effectuer une prépa physique qui a nécessité 6 à 8 mois de travail. Déconstruire tout ce que je savais. Car je devais cette fois être capable d'alterner marche normale et marche athlétique, intégrer différentes postures, la pose du pied, le placement du bassin. Du coup, ça ne sollicitait pas forcément les mêmes muscles. J'avoue, ça, ça m'a fait souffrir, horriblement mal.» Durant ses temps de marche, il ne portait pas de montre (pour oublier la notion du temps), mais en revanche des oreillettes pour être en contact permanent avec le camping-car qui le suivait et qui pouvait répondre quasi instantanément à ses requêtes (ravitaillement en eau, demande que quelqu'un l'accompagne à vélo, etc.).

De g. à d. : Didier Chenet (son beau-frère et préparateur mental), Jean-Luc Wibratte (son coach), Fabienne Chenet (sa sœur, responsable nutrition & coordinatrice), Sylvie Bonneau (son épouse, responsable financement du projet), Victoria Bonneau (sa fille, chargée de communication & soins), Adrien Bonneau (son neveu, réalisateur du long métrage/documentaire de 50' en cours de création), Thomas Bonneau (son fils, soutien mental et affectif). (Photo : DR)

De g. à d. : Didier Chenet (son beau-frère et préparateur mental), Jean-Luc Wibratte (son coach), Fabienne Chenet (sa sœur, responsable nutrition & coordinatrice), Sylvie Bonneau (son épouse, responsable financement du projet), Victoria Bonneau (sa fille, chargée de communication & soins), Adrien Bonneau (son neveu, réalisateur du long métrage/documentaire de 50' en cours de création), Thomas Bonneau (son fils, soutien mental et affectif). (Photo : DR)

«Merci papa»

Sous les combles de la médiathèque, l'aventurier de l'extrême Louis Thiriot (spécialiste des épreuves de grand fond et de 24 heures), venu de sa Meuse chérie, apprécie. Mieux, il s'en délecte et n'en perd pas une miette. Et esquisse même un sourire quand Philippe Bonneau évoque les doigts de fée de sa fille Victoria, qui en plus de la com' était en charge des soins et des massages tous les soirs : «Ma femme m'adore, mais elle ne s'est jamais occupée de moi comme ça ! (il rit)». Physiquement, même s'il a connu deux nuits compliquées avec un mal aux os qu'il l'a contraint à prendre un anti-inflammatoire, il était armé. Mentalement aussi, car avec son préparateur Didier Chenet, il a mis en place une stratégie d'évitement et de pensées positives. «J'étais dans ma bulle. Je n'avais entre guillemets "qu'à marcher". Et je savais aussi pourquoi je le faisais, au clair avec mon objectif, ça aide.» Son arrivée dans le village de son frère, Martial, à Azille, sera ainsi chargée d'émotions. On les voit, tous les deux, être accueillis triomphalement par le maire du village et les habitants de la commune, puis poser avec le chèque en faveur de la Ligue contre le cancer (NDLR : de 7 118 euros, mais au final plus de 9 000 euros ont pu être récoltés) en ayant revêtu un t-shirt où il est floqué «Merci papa» (NDLR : Lucien, décédé d'un cancer en 2019). À ce moment-là, Philippe marque un temps d'arrêt, puis poursuit son récit les yeux rougis et des trémolos dans la voix.

Le sport comme emblème de la santé

«Ce qu'il faut retenir de cette aventure, ce n'est surtout pas la performance – bon, oui, il y en a eu une – mais moi, ce que j'ai envie de retenir, c'est ce que le sport peut générer au-delà de la performance. C'est une philosophie de vie. C'est un vecteur de solidarité et d'entraide. Il peut rassembler les gens pour une cause commune et avoir une incidence sur la santé (NDLR : dans le civil, il est éducateur au centre Alpha-Plappeville)... L'activité physique permet de se sentir bien dans sa tête et dans son corps, de rencontrer des gens, de bien vieillir aussi. Et j'ajouterais que dans la vie, il faut travailler, on n'a jamais rien sans rien. Que ce soit dans le sport ou ailleurs, il faut apprendre aux gens et aux jeunes en particulier la culture de l'effort et du dépassement de soi.»

Pour ce qui est de la suite, Philippe Bonneau semble l'aborder plutôt sereinement : «Aujourd'hui, à 58 ans, j'arrive tout doucement au bout d'un chemin, je le sens. Dans un ou deux ans, je vais devoir déconstruire ce que j'ai construit avec la marche, que je déconditionne tout ça, que j'arrive à lever un peu le pied mais intelligemment, que je ne fasse pas l'année de trop pour que je reste en parallèle le plus en forme. Que tout ce que j'ai fait jusque-là me serve, à ce que je puisse prendre un déambulateur le plus tard possible...»

Ismaël Bouchafra-Hennequin

PS : une grosse pensée pour Guy Amalfitano qui vient tout juste de boucler, vendredi dernier à Pau, son Ultra Run France Tour contre le cancer : 100 marathons en 100 jours en béquilles et sur une jambe.

Pour en savoir plus :

- Athlétisme : la longue marche de Philippe Bonneau contre le cancer (France 3, vidéo)

- Philippe Bonneau marche de Semécourt (Moselle) à Azille (Aude) (écouter le podcast sur Radio France, France Bleu)

- Le projet de Philippe Bonneau expliqué en détail sur Hello Asso (article) 

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