Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
23 décembre 2012 7 23 /12 /décembre /2012 17:42

 

Freeeeze Beatbox Showcase Championship Metz 2012

 

Ils étaient 8 sur la ligne de départ, à concourir pour décrocher la couronne de Mister Freeeeze 2012. Mais après avoir réalisé chacun deux shows de six minutes, l’Anglais Jack Hobbs aka Hobbit, a été déclaré vainqueur de l'European Beatbox Showcase Championship, organisé le 8 décembre dernier aux Trinitaires à Metz.

 

« Poum-tchak, poum-poum-tchak ». En arpentant le couloir qui mène au sous-sol des Trinitaires à Metz, nos oreilles sont tout de suite attirées par ce bruit. Un rythme de batterie. Mais d’où ça peut bien venir ? Ni une, ni deux, on se met à sa recherche. On passe alors à côté d’un jeune homme qui ne paie pas de mine. Casquette vissée sur la tête, il déambule en jetant un œil distrait sur son iPhone. « Tsssssss… poum-tchak, poum-poum-tchak ». Ça y est, ça reprend de plus belle ! Sauf que cette fois, on est plus près. On le voit remuer ses lèvres. On constate que tous ces sons farfelus sortent de sa bouche. La batterie, c’était donc lui ! Quelques minutes avant le début du Freeeeze Beatbox Showcase Championship, l’Anglais Jack Hobbs aka Hobbit peaufine son unique arme : ses cordes vocales !

 

On descend les marches de l’ancien monastère et on se retrouve au caveau. L'endroit ressemble étrangement à une grotte. La scène, elle, est encore vide. Le show n’a pas commencé. Une seule personne est assise dans les gradins. Un couple avec un enfant coiffé d’un bonnet de Père Noël sur la tête, arrive deux minutes après nous. « Qu’est-ce qui se passe ici ? », demande l’Américaine Jill avec un accent nasillard très prononcé. On se lève et on joue les racoleurs. « Restez, y’a une compète de beatbox ! Je vous assure, ça vaut le détour. Vous verrez, vous ne le regretterez pas ! ». « OK, on regarde un petit peu et on voit… », répond-t-elle sans trop savoir dans quoi elle s’embarque. « … hein Jean-Jacques ? ». Son mari acquiesce. « Mais c’est quoi au juste le beatbox ? », s’interroge Jill. - « Grosso modo, c’est l’art de créer et de reproduire les rythmes et les sons les plus fous avec sa bouche ».

 

Le showcase, un exercice quelque peu différent du battle

 


17h15. Le caveau s’est rempli d’une soixantaine d’âmes. Primitiv, l’un des trois juges, invitent les ‘‘boxeurs de beats’’ à checker le Mic. Et dès les premiers sons, dans la famille de Jill, c’est la stupéfaction. « Dîtes, y’a pas de trucage ? » - « Non, non, ils évoluent sans filet ! ». Elle n’en revient pas. « Oh, my God ! C’est vraiment impressionnant ! C’est là qu’on se dit qu’on peut économiser sur les instruments ». Trompette, trombone, saxophone, les sons produits sont tout simplement hallucinants. Les yeux ronds comme des billes, son fils Alex, âgé de 9 ans, fixe la scène. « Il est ébahi », nous glisse sa maman. Notamment par les bruitages caverneux qui font penser au didgeridoo, cet instrument de musique traditionnel des Aborigènes, fabriqué à partir d’un tronc d’eucalyptus. Ce warm-up, sorte de beat-apéritif, nous a mis l’eau à la bouche. Place désormais au plat de résistance ! 

 

« Yes Iya ! Welcome les frères ! C’est beatbox-day, today ! ». Le présentateur, qui n’est autre que le chanteur rasta Ganjo-I (GreenSpirit Sound), diffuse d’entrée les bonnes vibes. Et c’est parti ! Le Belge Killa Mahanie est le premier à s’élancer. A l’image des 7 autres boîtes à rythmes humaines qui lui succèderont on stage*, il a 6 minutes pour convaincre, montrer l’étendue de son talent. L’exercice n’est pas évident. Chaque participant doit dévoiler son propre univers musical et artistique. Autrement dit, faire ressortir sa personnalité ‘‘beatboxistique’’ au Mic, et ce, avec la précision d’une horloge suisse. Un exercice quelque peu différent d’un battle. Car ici, il n’y a pas de confrontation directe avec un adversaire. Si on fait une rapide analogie avec le cyclisme, on peut comparer l’épreuve du jour à un contre-la-montre, à un effort solitaire. Où vous êtes à la fois votre meilleur allié mais aussi votre pire ennemi. Et, où il faut veiller, à ne pas manquer de souffle !

 

18h15, « Game over ». La première partie du show s’achève avec le « Tululu-tululu-tut » de Mario Bros, signé Zo. Quelques instants plus tard, on retrouve ce dernier au niveau de l’espace-bar qui est accolé au caveau. Devant lui, une feuille remplie d’annotations. Nicolas Ghelfi alias Zo (23 ans) est le régional de l’étape. Il habite Longwy, a déjà fait des premières parties, entre autres, d’artistes comme Nuttea, l’Algerino, Sniper, Blacko ou Rim’K du 113. Il révise avant son deuxième passage. On en profite brièvement pour revenir avec lui sur ce qui vient de se passer auparavant. Car on a eu droit à des rythmes et des mélodies, à base de percussions vocales, totalement différents.

 

Verre d’eau, SNCF, effet discothèque

 

A boire et à manger, en fait. De la musique classique (Symphonie n°5 de Beethoven), de la soul (Ain’t no sunshine de Bill Withers), du reggae (Sean Paul, I’m still in love), de la dance (Alex Gaudino, Destination Calabria), de la techno (Snap, Rythm is a dancer). Et même des choses plus légères comme se servir un verre d’eau (« P-p-p-p-p-p-p »), le « Zzzz » caractéristique des moustiques, le jingle de la SNCF (« Tin-tin-tin-lin »), ou bien encore l’effet de son renfermé, d’extérieur de boîte de nuit.

 

Avec What’s the difference de Dr. Dre, l’Allemand Babeli a fait grosse impression. « C’est une machine, ce mec », lâche Zo, subjugué. « La preuve, toute à l’heure, il a même pété un ballon de baudruche avec la force de sa voix ! », s’exclame-t-il. Pendant ce temps, cinq filles pleines de peps originaires de Bellecroix, membres du Adjasma Crew, ont réussi à convaincre le jury de les laisser monter sur scène. Du coup, elles improvisent une reprise du Titanic puis une esquisse de Wati House de Sexion d’Assaut en combinant chanson et beatbox. A partir de mi-mai, la troupe, férue de hip-hop, partira en tournée. De quoi leur donner des ailes !

 

Primitiv, la bonne blague belge

 

 

18h38, fin de la pause. Primitiv reprend les commandes. « Public, vous êtes chauds là ou pas ? Merci d’être venus, ça déchire putain ! Je tiens également à remercier l’association Boumchaka !! et les Trinitaires qui ont cru à ce projet. Mais aussi les gens qui ne sont pas venus, mon fils qui n’est pas né, en fait, que je n’ai même pas encore conçu. Et puis, encore merci à vous les Metziens… euh… Metzins ? C’est comme ça qu’on dit ? ». - « Messins ! », répondent en chœur les spectateurs. Primitiv s’en amuse. Il sourit et se touche… les tétons ! Toujours à l’affût de la moindre blague ces Belges !

 

Heureusement, Primitiv reprend vite ses esprits et nous offre une petite démo. Après avoir fait étalage des sons de base du beatbox (kick, snare et hi-hat) et de voisements, il enchaîne avec « Alors on danse » de Stromae. « Palala, c’est un truc de malade ! », s’extasie Thibault, assis au premier rang, scotché par la grande variété des sonorités électro et dubstep du Bruxellois. C’est que Primitiv - champion de Belgique en 2010 et vice-champion du monde online en 2009 - n’est pas franchement un rigolo. Enfin, dans sa discipline !

 

 

18h50. Hobbit fait mine de lancer un vinyle dans la foule. Comme un boomerang, ce dernier revient vers lui. L’Anglais l’attrape et se met dans la peau d’un DJ. C’est parti pour le deuxième show de 6 minutes. Aux platines, il scratche : « Euh weuh ip euh- weuh ip euh weuh ». Puis intègre cet élément dans un beat : « B Pf B Pf B - Euh weuh ip euh… ». Place ensuite à sa fameuse batterie : « Poum-tchak, poum-poum-tchak… ». « Il l’a fait trop bien ! », s’écrie un pote de Zo. Rythme, coordination, son : tout est propre, carré. Faisant mine d’avoir des baguettes dans les mains, Hobbit se permet même le luxe de pousser des grands éclats de rire en même temps qu’il joue. Epoustouflant ! Comme, du reste, lorsque Killa Mahannie effectue plusieurs beats « at the same fucking time » ou qu’il appuie avec son poing sur sa gorge pour produire différents sons.

 

Puis c’est au tour de Roustik ! Chapka sur le crâne, il imite vocalement « Let’s all chant » de Michael Zager Band, un tube disco de la fin des années 70 puis le célèbre « Tinlin, tinlin… tinlin… tinlin, tinlin, tinlin… tinlin tinlinnnnnnnn » de la Panthère rose. Et conclut par un superbe lâché de postillons ! Pas sûr que Zo, le suivant, ait goûté à la plaisanterie. Mais une chose est sûre : après avoir eu du mal à rentrer dans son concours, il se lâche avec du Eminem : « Son, you can suck my dick, if you don’t like my sheet ». Aïe, aïe, aïe, ça pique ! C’est ce qu’on appelle des explicit lyrics !

 

CJM’S, précurseur d’un nouveau style de beatbox ?   

 

 

Next ! Il nous vient de la région parisienne, il est à la fois chanteur, danseur et… beatboxeur. Pour beaucoup, il restera comme la grande révélation de cette compétition. Son nom ? ... CJM’S ! Après un premier passage tonitruant, il est attendu au tournant. Mais, dès les premiers instants, il répond présent. « Mmm-mmm-mmm... If I could melt your heart… », première phrase du refrain de Frozen de Madonna. Ça tombe bien, CJM’S a la solution ! Un bon petit remix mêlant rythmiques rapides et précises, des scratch, une basse, des bruitages (claques, coups de poing)… et un jeu de scène captivant. CJM’S, c’est une performance aussi bien faciale, gestuelle que vocale. Un one-man-show en quelque sorte. Le public crie, l’applaudit. Ses pairs, également, ne s’y trompent pas. A peine descendu des planches, il est félicité, salué pour sa prestation. « Respect man, nice ! Cool style ! ». Après-coup, Primitiv avouera avoir été agréablement surpris par CJM’S. « Avec son flow puissant, sa musique, son originalité et ses transitions de folie, il a ouvert, selon moi, la voie vers un nouveau style de beatbox ». Rien que ça !     

 

Mais revenons à nos moutons. Il reste encore trois concurrents. Uruz, ‘‘Superman’’ Mc’I-V et Babeli. Et, sans faire injure aux deux premiers, l’Allemand, qui a conservé son titre national une semaine plus tôt à Berlin, attise tous les regards. Blouson sur les épaules, il réalise notamment l’exigeant « King of my castle » de Wamdue Project. Sur sa chaise, K.I.M - champion de France en solo 2011 et double champion de France en équipe avec Nocifs Sound System (2009 et 2010) - en puriste, apprécie. Et il n’est pas le seul !

 

Hélicoptère, goutte d’eau, madison

 

 

Avant l’annonce des résultats, K.I.M et Masta Mic nous gratifient eux aussi d’une démo. Présenté comme un beatboxeur sexy et disjoncté, le Russe est fidèle à sa réputation. Après l’hélicoptère façon Michael Winslow dans Police Academy et la goutte d’eau (« Plic, ploc…»), il passe en mode cowboy puisqu’il exécute un petit madison en interprétant le cultissime « Cotton Eye Joe » de Rednex. Eh eh eh eh eh eh… excellent !

 

20h35, la grande famille des beatboxeurs se réunit sur scène. C’est le moment de connaître le podium. « Rratapatapatatatam ». Primitiv se charge lui-même du roulement de tambour. « 3: ... CJM’S ! 2e: ... Babeli ! Et vainqueur du Freeeeze Beatbox Showcase Championship : Mister … Hobbit ! ». Le vocal performer hein, pas le film éponyme qui fait actuellement un carton au cinéma ! En guise de récompense, l’Anglais reçoit sa couronne - une ballon de baudruche bleu en forme de pyramide - ! Le soir même, Hobbit réalisa l’ouverture du concert des Sages Poètes de la Rue, l’un des groupes les plus mythiques du rap hexagonal. Assurément, la meilleure des façons de rester sur le beat yo !

 

* Uruz (BE), CJM’S (FRA), Roustix (BE), Mc’I-V (LUX), Babeli (ALL), Hobbit (UK) et Zo (FRA).

 

Ismaël Bouchafra-Hennequin

 

Pour en savoir plus :
- L’album photo du Freeeeze Beatbox Showcase Championship

- Affiche et présentation de l'évènement

- Boxeurs de beats (article)

Partager cet article
Repost0

commentaires